Le Cyclamen, emblématique fleur d’Aix et des Bauges

Photo de couverture : Alice Turck – Tous droits réservés

On a tendance à l’oublier. Si la Rose est à l’Angleterre un emblème national, le cyclamen a été et demeure la fleur associée à l’histoire d’Aix-les-Bains. Véritable manne économique pour les familles baujues qui en faisaient la cueillette, plante phare du parfum réalisé jusqu’en 1992 par les moines de Hautecombe, le cyclamen est redevenu un marqueur sensoriel, sous l’impulsion de la marque Aix Riviera et de ses artisans.

Le succès du cyclamen en ville

L’affluence des curistes fortunés toujours plus forte tout au long du XIXème siècle à Aix-les-Bains, et en particulier de celle des Britanniques, va générer l’essor d’un commerce entre les hauteurs d’Aix, les Bauges, berceau des cyclamens et la cité thermale. Gardons aussi à l’esprit que c’est à la cour d’Elizabeth Ière d’Angleterre que l’on s’éprit de cette fleur sauvage, cultivée ensuite dans les jardins de la Reine.

Aix-les-Bains s’empare fièrement de cet emblème du romantisme. Les gravures, cartes postales et affiches de l’époque atteste de la prégnance du cyclamen dans l’imaginaire touristique aixois. En atteste le travail de Guido Gonin, artiste-peintre savoyard né à Turin, installé à Aix à la fin de sa vie, déjà connu pour ses gravures de mode très prisées par les « élégantes », qui s’empare du cyclamen pour enjoliver ses réalisations graphiques (affiches, éventails, cartons d’invitation, cartes postales ou encore pages de couvertures de journaux et de revues).

Et alors que les élégantes d’Europe abandonnent les chapeaux à plume à l’aube du XXème siècle, à Aix, on n’hésitera pas à adopter le chapeau fleuri. Le cyclamen y trouvera naturellement sa place. Une mode consacrée lors de la fête du cyclamen célébré par le Casino d’Aix le 30 août 1905, à l’occasion de laquelle le cyclamen doit agrémenter les corsages de ces dames et les boutonnières de ces messieurs. La parfumerie aixoise Sylva, elle, proposera des fragrances « Cyclamen » dans de sublimes flacons.

Offrir des cyclamen pour exprimer un sentiment amoureux sincère

Revenons au symbolisme attaché au cyclamen. Vous le savez, le choix d’une fleur à offrir ne doit pas être laissé au hasard. En l’occurrence, on attache au cyclamen le sentiment amoureux profond et sincère.

Déjà à l’Antiquité, selon le philosophe grec Théophraste, on recommandait au IIIème siècle avant notre ère l’adjonction du cyclamen aux philtres d’amour, quoiqu’on en connaissant déjà l’effet purgatif, voire toxique en fonction de sa concentration. Le secret vaut encore au Moyen-Age : quoique plante-poison, le cyclamen avait la vertu selon les croyances d’alors de repousser les mauvais sorts du logis.

Aujourd’hui encore, dans le langage des fleurs, on attribue au cyclamen l’expression du charme, la grâce mais aussi la jalousie. Encore faut-il prêter attention à sa couleur. Nos amis fleuristes eux savent décoder : si le cyclamen blanc évoque la tendresse, le cyclamen rouge lui fait part d’une certaine tristesse, voire d’un désespoir amoureux. Quant au cyclamen rose, il affirme un émoi fier et certain.

Le cyclamen d’Aix ou jadis une manne pour les Bauges

Ce commerce aurait débuté tout simplement par la confection de petits bouquets vendus à la sauvette par les Baujus aux baigneurs et promeneurs en excursion, heureux de s’offrir ce floral souvenir tout en faisant oeuvre de bienfaisance. Assez rapidement, la vente s’organise au coeur d’Aix-les-Bains au plus près des curistes, d’abord par la déambulation de vendeurs sur le parvis des Thermes, puis au sein des kiosques à fleurs du Parc de Verdure à compter de 1910.

Toute une organisation se met en place : cueillette matinale, remise des bouquets dans des caisses en bois, généralement recouverts de fougères pour conserver la fraîcheur, à des grossistes desservant Aix, mais aussi Lyon et Paris. La cueillette de cyclamens a représenté une aubaine pour ces villages vivant essentiellement de l’agriculture. L’activité s’achèvera finalement au tournant des années 1990.

Carte postale représentant un guide et marchand de fleurs alpestres au Châtelard

Le cyclamen, marqueur sensoriel réhabilité par Aix Riviera et ses créateurs

Cette histoire aixoise du cyclamen aurait pu tomber dans l’oubli ou presque. Remise au goût du jour par l’office du tourisme Aix Riviera et ses partenaires, la fleur de cyclamen contribue à la signature sensorielle de la marque Aix Riviera. Elle est associée au parfum « menthe lacustre ».

C’est ainsi que sont apparus les limonades et bières artisanales Aix Riviera de la brasserie Caquot, la glace Aix Riviera réalisée par le glacier Renzo, les macarons Aix Riviera de Bastien, les subtiles guimauves Aix Riviera à déguster au restaurant L’Estrade (lisez notre article à propos de ce restaurant) … Bon, par contre, on attend encore l’apparition du cyclamen sur les futurs sous-vêtements qui se verront apposer la marque du territoire …

Quand les moines de Hautecombe confectionnaient le parfum de cyclamen,

Les moines de Hautecombe, eux aussi, décidèrent de miser sur le potentiel de la fleur. Ils lui reconnaissaient les vertus définies par Yvonne Dubois dans son ouvrage « La Vallée des Cyclamens » : « un parfum a la douceur de la violette et de la rose, la force et la saveur du muguet, mais aussi le capiteux et le musqué de l’œillet ».

A l’instigation d’un moine, Raymond Joatton, originaire de Lyon et ancien ingénieur chimiste, qui y était entré en 1933, que l’atelier s’installe à l’Abbaye. Ainsi, Dom Joatton inventa une préparation d’eau de toilette de cyclamen encore inconnue sur le marché. Un parfumeur de renom qualifia la création, après analyse, de « très bonne qualité et vendue peu cher pour sa valeur ». Petit bémol : c’est auprès de Grasse que Dom Joatton se procurait le mélange d’essence de plantes, bien qu’il confectionnait lui même la préparation jusqu’à maturation, aidé de ses confrères pour la mise en bouteille et l’étiquetage.

De cette invention découla la vente de plusieurs dizaines de milliers de flacons en boutique d’Hautecombe, assurant la ressource principale de la communauté. À la fin des années 1980, 15 000 flacons de 200, 100 et 50 millilitres – sans oublier les bidons métalliques de 600 millilitres – sortaient de la parfumerie d’Hautecombe. « Cet artisanat demandait un très faible investissement
en matériel, une manutention minimale et permettait aux moines de travailler en silence
« , nous assure-t-on.

Et lorsqu’en 1992, les moines de Sainte-Madeleine quittèrent Hautecombe pour Ganagobie en Haute-Provence, l’activité de parfumerie s’adapta à son terroir d’accueil, en se tournant cette fois vers la culture de lavande, exploitée autour du monastère de Ganagobie. Encore aujourd’hui, l’eau de toilette de lavande constitue l’article-phare des produits fabriqués par les moines de Ganagobie.

Attention, la cueillette du cyclamen sauvage n’est plus autorisée.

A lire : Anne Durand, « Cyclamens des Alpes, cyclamens des Bauges et cyclamen d’Aix », Société d’Art et d’Histoire d’Aix les Bains (disponible à la vente en ligne)

Autres sources : Les Amis des Monastères – n° 199 – Juillet – Août – Septembre 2019


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Publié par Karen

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