Arpenter les sentiers de Corsuet jusqu’au pays des fées

Elle est avec le bois Vidal l’un des poumons d’Aix. A la différence de la promenade citadine offerte par le bois Vidal, la forêt de Corsuet invite à errer de sous-bois en prairie, contempler d’un promontoire à l’autre le lac au travers des feuillages de vieux chênes… Et qui sait, peut-être y croiserez-vous les fées.

Corsuet pour se ressourcer

En aval, le Sierroz. En amont, la Chambotte. Les Monts de Corsuet culminent à 800 mètres. Côté aixois, plusieurs promenades s’esquissent à l’ombre des chênes, frênes et charmes pour l’essentiel. Certains sentiers ont pour principal attrait d’offrir une vue sur lac surplombé par la Dent du Chat et la chaîne de l’épine. Quelques bancs clairsemés invitent les contemplatifs à admirer la vue dégagée depuis le sentier du Renard.

Fouler le sol de la forêt communale de Corsuet, c’est embrasser l’histoire de la cité thermale, désireuse d’agrémenter le séjour de ses prestigieux baigneurs (lire plus bas). Dès la fin du XIXème siècle, la Ville se préoccupe de l’attrait de la forêt de Corsuet. Des chemins sont alors aménagés « à grands frais » par la commune. On se plait aussi à mêler aux espèces locales, des espèces nouvelles.

Observez, et vous apercevrez quelque Pin noir d’Autriche, Pin sylvestre, Weymouth, Douglas,, Chêne rouge d’Amérique ou encore un groupe de Cèdres du Liban et de l’Atlas, … introduits conformément à la mode botanique de la fin du XIXème siècle. Période au cours de laquelle les pins de Corsuet sont affectés par une larve virulente, bien avant la redoutable pyrale du buis…

Grotte des fées, ou le balcon féérique

Chaque forêt a sa part de sacré. Chance, celle de Corsuet nourrit aisément l’imaginaire du promeneur, pour peu qu’il s’aventure au-delà de la forêt communale aixoise en direction de Brison-Saint-Innocent pour atteindre la « Grotte des fées« . Le graal d’une marche plus exigeante que les sentiers côté aixois.

Suspendue au dessus du vignoble saintinois – continuellement grignoté, la grotte des fées est accessible par des escaliers sommaires taillés dans la roche. Les fouilles conduites aux frais du Baron Despines, maire de Brison et médecin par ailleurs à l’Etablissement thermal, ont mis à jour des « fragments de tuiles romaines semblables à celles qui proviennent des Anciens Thermes d’Aix-les-Bains, des débris de poteries et vases gallo-romains, un fragment de grattoir en bronze, des pierres à polir et à aiguiser… et même quelques rares restes humains » (source).

Ce qu’il y a de féérique tient plutôt au panorama subjuguant à fleur de falaise que l’intérêt même de cette grotte de 31 mètres de profondeur, mais très étroite. Même l’entrée est assez peu lumineuse. Et quitte à casser complètement le mythe, sachez que plusieurs sites en France répondent du toponyme « grottes des fées »…

Un conseil, poursuivez le chemin jusqu’aux Granges. Vous emprunterez alors l’un des chemins jadis arpentés par les Huguenots s’exilant vers la Suisse et l’Europe protestante (lire notre article). La marche n’est pas plus rude, la vue époustouflante, l’ambiance bucolique. Un petit paradis.

Qui a eu cette idée folle d’un jour… implanter un golf !

Cette situation idyllique de Corsuet et surtout sa proximité immédiate avec la ville d’Aix lui ont valu bien des convoitises à la fin du XIXème siècle. L’entrepreneur Paul Bonna a successivement interféré pour convertir la partie basse de la forêt en vignoble, activité autrement plus lucrative que la coupe de bois, puis pour extraire des pierres utiles au doublement de la voie ferrée reliant le Rhône au Mont-Cenis.

Pour continuer de séduire la manne conséquente que représentait la clientèle anglaise, une dizaine d’hectares, sur la partie basse en proximité immédiate avec la ville fut convertie en 1895 en … golf à neuf trous.

Il faut répondre aux exigences de la culture britannique, qui n’a cessé d’animer et façonner la cité thermale. En témoignent encore le « boulevard des Anglais », l’hippodrome, le quartier du « tir au pigeon » et le golf actuel implanté en 1905 à l’opposé, au sud de la ville en lisière avec le Viviers et Tresserve …

Quête de fraîcheur et vue imprenable, tels étaient les atouts de Corsuet aux yeux des médecins à l’origine du projet. L’ouverture d’un salon de thé suivit deux ans plus tard : le chalet du golf fut implanté au début du parcours. Faute de fréquentation, le golf de Corsuet ferma en 1898, la parcelle sera reboisée… Le chalet du golf, lui, est devenu une belle habitation bourgeoise, rebaptisée plus tard, « Fantasque ». Les vignes en contrebas sur le versant sud disparaissent progressivement au cours du XXème au profit d’habitations individuelles.

Quelques années plus tard, en 1920, la Ville d’Aix fait classer la colline de Corsuet comme « site pittoresque », considérant qu’il « serait regrettable que la beauté de nos sites soit détruite par la construction d’habitations inesthétiques ou d’éfices selon le seul caprice de propriétaires voisins. »


Principales promenades depuis Aix-les-Bains:
* le sentier du Réservoir (20 min – 40 m de dénivelé) en rose
* le sentier du Renard (30 min – 55 m de dénivelé) en rouge
* le sentier de Corsuet (40 min – 80 m de dénivelé) en jaune
* le sentier du Loup (1h15 – 170 m de dénivelé) en bleu

Pour accéder à Corsuet via le réseau Ondéa, le plus direct revient à emprunter la ligne 1, descendre à l’arrêt « le Pont-Rouge », puis suivez le « chemin de Corsuet ».


Carte publiée par Grand Lac.


Confidences

Je voulais vous parler de ce petit garçon,
Ce petit enfant blond fasciné par le ciel
Aimant le beurré salé que l’on mélange au miel,
S’appropriant le monde en lui donnant des noms.

Un grand-père « à la canne », un autre « à la tortue ».
Ou bien cette forêt rebaptisée « aux oiseaux » …

(…)

Il parlait au soleil, commentait les saisons
Aux étoiles perdues dans le néant des nuits.
Il aimait les orages et de l’été les pluies.
De la Grotte des fées, il voulait faire sa maison.

(…)

Morgan Farès
Hivers marins

Publié par Karen

Made in Aix