L’ex-hôtel des Corbières s’érige encore fièrement au pied du Revard, orienté plein sud pour se prêter aux exigences de l’héliothérapie alors très en vogue à la fin du XIXème siècle. L’aventure financière échoue très vite, en dépit de l’illustre éjour des Reines de Hollande, sur lequel le Docteur Monard et ses actionnaires tente de capitaliser pour rebondir. En vain.
Quand les médecins d’Aix rêvaient d’héliothérapie
Sous l’impulsion du Docteur Jean Monard et consorts, s’implante aux Corbières à 620 mètres d’altitude sur la commune de Pugny-Châtenod, la « première station climatérique » de France. A l’origine, le projet du puissant médecin consiste à développer une offre médicale déclinée par pallier d’altitude. L’établissement de Pugny devant être un intermédiaire entre la cité thermale et la station d’altitude du Revard.
C’était le temps de la crémaillère. Plus précisément, c’est en 1893, moins d’un an après la mise en service de la crémaillère depuis les thermes d’Aix-les-Bains que ce luxueux hôtel a ouvert ses portes. A l’époque, le train s’arrêtait à la gare de Pugny-Châtenod, seconde halte dans son ascension. L’accès se faisait par un long chemin offrant une vue magnifique sur le lac. On peut encore l’arpenter lorsqu’on se lance dans la randonnée de la Crémaillère.
C’était aussi le temps où les Alpes s’explorent et attirent les grandes fortunes d’Europe en quête d’air pur, d’eau salvatrice et d’altitude salutaire. Car, jusqu’au XVIIème siècle, il était convenu que la montagne représentait « un rebut du déluge où les hommes seraient condamnés à vivre, ou à survivre au crétinisme », comme le rappelle l’historien suisse François de Capitani.
L’héliothérapie, une aventure médicale très passagère
Inspiré des grands chalets suisses, comme le National à Champéry, l’établissement des Corbières ouvrit ses portes en 1894. Il répondit parfaitement aux exigences de l’époque : éclairage au gaz, ligne téléphonique, source d’eau captée, vérandas à grandes baies, des balcons exposés plein sud, cheminements piétonniers sans effort, cures de lait et de raisin, et activités physiques (tennis, promenades…).
Le succès semble être au rendez-vous, lorsqu’on signale à la « Une » de l’hebdomadaire de la station thermale « L’avenir d’Aix-les-Bains » le 1er novembre 1896, l’arrivée des Reines de Hollande, la jeune Wilhelmine de Nassau-Orange alors âgée de 16 ans et sa mère régente du royaume, Emma de Waldeck-Pyrmont.




Dernière chance pour les Corbières : capitaliser sur le souvenir du séjour des Deux-Reines
Très vite, c’est la dégringolade financière. L’établissement cesse de dispenser des soins pour privilégier une vocation purement touristique. Et malgré cette économie, les Corbières, isolées des festivités et des mondanités dont recèle la ville d’eau sont boudées par cette clientèle huppée, peu souffrante et davantage amatrice de ces cures prétextes aux rencontres et à l’exposition de soi.
Reste une nouvelle manne pour la société des Corbières : exploiter la source voisine, jaillissant sur les hauteurs des Mentens à Mouxy et en acheminer l’eau nécessairement vertueuse jusqu’à Aix-les-Bains, grâce à une canalisation dédiée. Ainsi naquit en 1904 la Source des Deux-Reines !
C’est du royal séjour des Reines de Hollande que sera inspiré le nom de la source exploitée par la Société des Hôtels et domaine des Corbières. Placée face aux Thermes en pleine effervescence, la buvette de la Source des Deux-Reines est aussi à deux pas de la pharmacie tenue par Pierre Folliet, également actionnaire de la Société. A l’époque, Aix vit au rythme des initiatives privées. Par la suite, une société d’embouteillage se développe, et utilise l’image des deux reines sur les étiquettes. (Plus d’infos ici)

Les Corbières, le la vie mondaine à la spiritualité
L’expérience hôtelière se solde malgré tout par un échec financier à la veille de la première Guerre mondiale, après 10 ans de procédure. Aussitôt rachetées par Mme Gallice, les Corbières abritent au lendemain de la Guerre un orphelinat pour filles de 1915 et ce jusqu’en 1970, financé par une riche mécène et géré avec l’aide des Soeurs de Saint-Joseph à l’époque.
En contre bas, est alors érigée une chapelle assez unique en terre savoyarde. Son architecture signée Jules Pin, grand transformateur d’Aix, surprend. Fini le baroque : la chapelle épouse une forme de croix grecque. Ses icônes de style byzantin évoquent la culture orthodoxe. La statue d’un Christ bras ouvert rappelle son premier nom : la chapelle du Christ rédempteur. Sa crypte abrite depuis la dépouille de Mme Gallice et du père Fernand Portal, père lazariste, aumônier de l’orphelinat et fervent défenseur du rapprochement des Eglises.
La Chapelle continue d’être prisée comme un lieu spirituel bien qu’une nouvelle église ait été bâtie en 2009 à proximité plus immédiate du chemin des Corbières et de son monastère occupé depuis 1970 par les Soeurs de Beethleem, de l’ordre de Notre-Dame de l’Unité rattaché aux chartreux. D’où son nom « Chapelle de l’Unité »On peut y marquer une halte aisément lorsqu’on se lance dans la randonnée de la Crémaillère entre Mouxy et Pugny. (Lire nos conseils)
De leur promontoire naturel, les Corbières n’ont finalement connu que de manière éphémère la vie mondaine. Encore aujourd’hui, le site est tenu par les moniales de l’ordre cartusien dit « de Bethléem, de l’assomption de la Vierge et de Saint Bruno ». L’essentiel du site est interdit au public. Les moniales ont depuis fait aménager une nouvelle église, placée sous le patronyme de Saint Joseph, consacrée en 2009, où se déroulent leurs offices réguliers.
Pour en savoir plus : « Les Corbières. Histoire et spiritualité » de Jean-François Connille