Incontournable escapade prisée de la Belle époque et bien avant, les Gorges du Sierroz, inaccessibles pendant plus de 40 ans, rouvrent au public cet été. Une courte promenade suspendue au-dessus d’un mini canyon pour (re)découvrir un site naturel classé insoupçonné. Suivez le guide, le temps d’un détour du côté de Grésy-sur-Aix.
Les Gorges du Sierroz comme une image d’Epinal dans l’imaginaire aixois
Pour toute une génération ou plus, les Gorges du Sierroz correspondaient à une vague image d’Epinal. Bon nombre de vieilles cartes postales véhiculent le souvenir so « Belle époque » du canyon du Sierroz jadis navigable, à bord de petits canots, à l’instar du « Christophe Colomb ». Le site est un haut-lieu du tourisme alpin. Mais les promenades à bateau cessent en 1971 et l’accès aux passerelles bloqué en 1980.
A part les cheveux blancs, peu de locaux savaient que les Gorges du Sierroz se tenaient en fait à une poignée de mètres de la sortie d’autoroute Aix Nord et toute la zone commerciale qui a progressivement grignoté l’entrée de Grésy-sur-Aix.
Les Gorges du Sierroz, un site historiquement classé au patrimoine naturel qu’on peinerait à imaginer si proche d’une zone commerciale
Le contraste est bluffant, surtout si vous débutez la promenade depuis l’aire de covoiturage de Grésy-sur-Aix, à 2 minutes de la sortie d’autoroute Aix Nord. Empruntez d’emblée le sentier en gravier concassé situé en contrebas. Vous voyez en chemin vers un site naturel classé dès 1910.
Un petit conseil pour les plus ferus d’histoire et amoureux de vieilles pierres : commencez votre escapade en aval de l’ancien barrage. Pour cela, empruntez le sentier au contrebas de la sortie de l’aire de covoiturage. Observez, les deux rives conservent les travées de l’ancien ouvrage d’art construit vers 1880. Il s’agit de l’un des premiers barrages à voûte mince construit en France. Sans barrage, il aurait été impossible de naviguer et donc de faire l’expérience si appréciée par les touristes de l’époque.
Suspendus au dessus du Sierroz
Quelques dizaines de mètres le long du parking et ça y est, vous êtes en chemin pour déambuler sur les premières passerelles, suspendu(e) au dessus du Sierroz sur 800 mètres. L’eau déferle entre les roches, jusqu’à 20 mètres sous nos pieds. Changement de décor enchanteur au pays des fougères !
On passe d’une rive à l’autre sur une passerelle située à l’emplacement du « saut du marchand ». Des inscriptions sur les rambardes en bois rappellent qu’ici où les Gorges se rétrécissaient, celui qui voulait échapper au droit de douanes tentait d’enjamber le Sierroz. A ses risques et périls.
La promenade s’achève dans les ruines d’un site industriel placé à la convergence entre la Deisse et le Sierroz. Ici, moulins et scierie tiraient profit de la force de l’eau.. Plusieurs balcons ont été ajoutés dans le cadre de la réhabilitation pour observer l’eau claire se confondre de gouille en gouille. Superbe spectacle.
Les Gorges du Sierroz et la tragique noyade d’une amie de la Reine Hortense
C’est aussi là qu’on aperçoit la stèle érigée en souvenir de la baronne Adèle de Broc, amie d’enfance de la Reine Hortense, en séjour à Aix-les-Bains. Lors d’une promenade estivale, la dame tomba à l’eau et mourut à la suite d’une noyade. Il se laisse dire que la baronne aurait chuté après avoir refusé l’aide d’un paysan, lui trouvant les mains bien trop sales pour les agripper…
La Reine Hortense fit élever sur site une stèle qui invite les visiteurs à la prudence avec ce message : « Ici, Madame la baronne de Broc, âgée de 25 ans, a péri sous les yeux de son amie, le 10 juin 1813. O vous qui visitez ces lieux, n’avancez qu’avec précaution sur ces abîmes : songez à ceux qui vous aiment ! »
L’accident mortel marqua durablement les esprits. La perte de cette jeune femme insouciante inspira les Romantiques., Lamartine relata son escapade avec Julie Charles à la Cascade de Grésy dans son ouvrage autobiographique « Raphaël ». .Ainsi, les Gorges du Sierroz suscitèrent un certain attrait pour les touristes « happy few » de première heure, curieux de découvrir l’endroit où une des leurs perdit la vie. Le 29 août 1860, au moment du rattachement de la Savoie à la France, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie vinrent se recueillir.








Un souvenir perpétué aussi par l’association de sauvegarde du site « Au coeur des gorges du Sierroz », créée en 2010, avec l’objectif de mobiliser les collectivités en faveur de la réhabilitation du site et sa réouverture au public. C’est chose faite, même si quelques finitions sont en cours. La promenade vaut en tous points le détour.
Merci à Christine Magnen pour cette visite privilégiée
